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[BG] Etoile du Matin - Seconde Edition

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Nell

Kromeugnon !

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Inscrit le: 04 Juil 2003 2:56

Localisation: Je t'en pose des questions moi ?

Message 18 Juil 2006 19:13

[BG] Etoile du Matin - Seconde Edition

Le texte que j'ai écrit initialement sur Etoile ne me plaisait pas trop à la réflexion, je l'ai donc largement modifié pour le rendre plus réaliste et, je l'espère, plus agréable à lire. Je vous livre le résultat final, en espérant que cela vous plaira ;)
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- Papa ! S’il te plaît ! allez, dis oui ! Je promets que je ferai attention !

Charles Grant lança un regard excédé à sa fille unique. Celle-ci se tenait devant lui, lèvres retroussées en une moue boudeuse, mains posées sur son bras en un geste de supplication muette, ses grands yeux candides humides de larmes contenues. Elle était tout simplement adorable… Comme à chaque fois qu’il la regardait, elle, la lumière de sa vie, son étoile du matin, son cœur se gonfla douloureusement dans sa poitrine, et il se sentit submergé par une bouffée d’amour. Elle ressemblait tellement à sa mère avec son visage en forme de cœur, ses yeux de biche et sa crinière rousse. Elle était sa plus belle réussite, sa plus grande fierté, et il se refusait à la confronter à l’horreur continuelle de sa propre vie. Aussi détacha-t-il les petites mains de son bras en martelant la réponse coutumière :

- Olivia Olympe Grant, combien de fois faudra-t-il que je te répète que la réponse est NON. Tu es jeune, tu as un avenir brillant devant toi, et je refuse que tu le gâches de la sorte. Fais toi des amis, sors, étudie, va à l’université, vis ta vie de jeune fille NORMALE, et enlève toi cette idée stupide du crâne !

Olivia soupira et laissa son père finir de se préparer. Elle savait d’expérience qu’elle ne parviendrait pas à le faire changer d’avis cette fois-ci encore. Pourtant… quand elle voyait ses parents enfiler leur costume et s’envoler main dans la main pour aller une fois encore écumer les rues de Paragon City à la recherche d’innocents à sauver, elle sentait au fond de son cœur que sa place était à leur côté. Le potentiel ? elle l’avait, elle en était convaincue ! Elle était la digne fille de ses parents que diable, elle voulait suivre leurs traces ! Certes, jusqu’à présent elle n’avait manifesté aucune capacité surhumaine, mais cela viendrait… Cela viendrait un jour, oui, que son père le veuille ou non ! Un jour, elle enfilerait un costume, un masque, et elle irait semer la terreur chez les vilains de Paragon… Dès qu’elle saurait ce qui la rendait spéciale, elle irait… et il regretterait de l’avoir brimée quand il entendrait parler de tous les exploits qu’elle avait accomplis toute seule !

Inconsciemment, comme à chaque fois qu’elle entretenait ce type de rêverie, elle s’était redressée et avait adopté la posture favorite de son père : jambes légèrement écartées, dos bien droit, poitrine fièrement bombée, mains sur les hanches… Elle aperçut son reflet dans le miroir, celui d’une jeune fille à peine sortie de l’enfance, au corps dégingandé d’avoir grandi trop vite, au visage constellé de taches de rousseurs (comme elle les détestait ces taches !) mangé par deux immenses yeux d’un bleu limpide. Elle essaya de s’imaginer dans le costume moulant de sa mère, mais dut bien vite se rendre à l’évidence… Ses rêves de gloire et de justice étaient bien jolis, mais ils n’en restaient pas moins des mirages hors de sa portée. Ah ! si seulement elle pouvait être « spéciale » comme ses parents ou ses amis, Tom et Allison… Elle en était là de ses réflexions lorsque la voix de sa mère s’insinua dans son esprit, apaisant comme un baume ses pensées douloureuses.

- Ne sois pas si pressée ma douce… tu n’as que quatorze ans, après tout. Si ton père et moi ne voulons pas te voir suivre nos traces, ce n’est pas parce que nous n’avons pas confiance en tes capacités, elles se développeront avec le temps… nous estimons seulement que tu devrais profiter un peu de ton innocence avant de te confronter à ce monde de violence et de peur. Alors attends encore quelques années, attends de voir de quelle manière tu évolueras, tu as tout le temps pour te préoccuper de ce genre de chose…

Madeline Lynch Grant apparut à cet instant dans la pièce, embrassa tendrement sa fille et redressa machinalement une de ses couettes. Puis son regard dériva vers la pendule, et elle poussa un cri d’effroi.

- Olivia ma petite étoile du matin, tu vas être en retard à l’école ! File vite chercher ton sac, je te dépose en allant au bureau.

Olivia laissa échapper un hurlement de joie et courut dans sa chambre chercher ses affaires scolaires. Oubliées ses considérations moroses sur son avenir de super-héroïne, seule subsistait l’excitation de voler au dessus des gratte-ciels de Paragon en compagnie de sa mère. Elle adorait ces moments où seule l’énergie psychique de Madeline la maintenait loin au dessus du sol. En un rien de temps, elle rassembla son équipement, redescendit à la cuisine, attrapant au passage son casse-croûte de midi et rejoignit sa mère qui l’attendait patiemment dans l’allée. D’un geste presque distrait, elle les rendit invisibles, puis saisit la main de sa fille. La seconde d’après, elles prenaient leur essor et s’élevaient à une vitesse vertigineuse vers les nuages. Bientôt, elles survolaient la ville. L’adolescente ne se lassait jamais de l’immense sensation de liberté qui l’assaillait dans ces moments-là, de cette impression de tenir le monde au creux de ses mains… Les yeux grands ouverts, elle s’efforçait de ne rien manquer du panorama spectaculaire qu’offrait la grande ville de Paragon City, par un matin radieux, vue du ciel. Bien trop tôt cependant, Madeline les fit atterrir dans un coin de rue discret, déposa un tendre baiser sur sa joue, et reprit son envol.

Une dernière fois, la douce voix maternelle effleura ses pensées :

- Promets moi de réfléchir à ce que je t’ai dit ma petite étoile… tu as le temps, tu dois acquérir une certaine expérience de la vie avant de vouloir essayer de sauver celle des autres. Etre un « super », ce n’est pas seulement porter un costume et un masque. Tu connais comme nous l’axiome de tout héros : Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Apprends à te montrer responsable, et tu seras prête à assumer ton rôle dans la société. Bon, je file… A ce soir ma douce, et surtout, rappelle toi que nous t’aimons plus que tout, ton père et moi, et que nous ne voulons que ton bonheur.

Puis Olivia se retrouva une fois encore seule avec ses doutes et ses interrogations.

Sans le savoir, elle venait de parler à sa mère pour la dernière fois.

Pendant qu’elle passait sa journée d’école à réfléchir comme promis à ces sages paroles, Charles « Omniman » Grant, Madeline « Medusalith » Lynch et tous les autres membres de leur supergroupe, les Anges Gardiens, recevaient une transmission codée, invoquaient un grave problème familial et quittaient précipitamment leur lieu de travail. Ils venaient d’apprendre que la planque du Condottiere avait été découverte.

Ce tueur à gage de la Famille avait pour passe-temps favori, entre deux contrats, de se choisir une victime (de sexe féminin exclusivement) au hasard de ses promenades, de l’enlever pour la ramener dans une de ses nombreuses planques, et de la torturer ensuite à mort. Il frappait n’importe où, n’importe quand, à des intervalles totalement irréguliers, et tuait sans distinction de race, de catégorie sociale, ou même d’âge. Aucune femme n’était à l’abri de sa folie meurtrière, et la ville vivait sous un joug de terreur depuis des mois. Les ordres étaient de s’y rendre en compagnie des autres Anges Gardiens, de prendre l’endroit d’assaut et d’appréhender l’homme pour mettre fin à ses funestes exploits.

Olivia ne sut jamais précisément ce qui avait mal tourné. La technique des Anges Gardiens était pourtant bien rôdée. Le supergroupe opérait méthodiquement, neutralisant toute opposition au fur et à mesure qu’elle se présentait, prenant toujours garde à ne pas se perdre de vue. En temps normal, cette technique fonctionnait parfaitement… pas cette fois-ci. L’opération entière n’était qu’une embuscade monstrueuse tendue par le Condottiere lui-même pour se débarrasser de ses ennemis. Dès leur entrée dans l’entrepôt soi-disant abandonné, les héros se trouvèrent piégés, sans possibilité de repli, et sous un feu nourri. La Famille n’aimait pas que l’on s’en prenne à l’un des siens, et ils avaient sorti l’artillerie lourde pour exprimer leur désaccord cette fois. La riposte ne se fit pas attendre, et les pouvoirs se déchaînèrent bientôt de chaque côté.

Dans le chaos général qui s’en suivit, Medusalith se retrouva confrontée directement au Condottiere. Le combat fut aussi bref que violent, surtout pour la fragile jeune femme que ses affrontements précédents avaient déjà bien affaiblie. Elle tint aussi longtemps qu’elle le put, priant pour que l’un de ses compagnons prenne conscience de la fâcheuse posture dans laquelle elle se trouvait, et vienne lui porter main forte…. Espoir vain, malheureusement, chacun d’entre eux luttait farouchement pour ne pas être submergé sous les assauts répétés de l’ennemi. Finalement, un coup plus vicieux que les autres lui arracha un hurlement de douleur et l’envoya se fracasser contre un mur. Le temps que le reste de son équipe se porte à son secours, le Condottiere s’était déjà téléporté hors de l’entrepôt, emportant la jeune femme avec lui.

A sa sortie de l’école, Olivia fut abordée par des hommes en costume sombre qui la firent d’autorité monter dans une limousine et l’emmenèrent à la base des Anges Gardiens. Elle y resta enfermée seule les jours suivants, pour sa protection disaient-ils, seule à tourner en rond, seule à se ronger les sangs, seule à maudire son âge qui l’avait empêchée d’accompagner sa famille dans ce traquenard. La peur avait pris possession de son cœur, elle avait l’impression d’étouffer, comme si un énorme étau comprimait sa poitrine en une étreinte glacée. Parfois, elle sombrait dans un sommeil agité et peuplé de cauchemars affreux. Et lorsqu’elle se réveillait, trempée de sueur et la bouche ouverte sur un cri de terreur muet, elle s’imaginait combien la situation aurait pu être différente si son père l’avait laissée les accompagner. Dans ces moments de rêverie délirante, elle se voyait abattre le monstre d’un formidable coup de poing avant qu’il n’emporte sa mère loin d’elle A force d’arpenter sa petite chambre, de se sentir totalement et ridiculement impuissante, pendant que le supergroupe dans son entier écumait la ville à la recherche de leur amie disparue, elle en vint à guetter le moindre bruit, la plus petite vibration d’air qui lui apporterait la bonne nouvelle du retour de ses parents. Mais les jours passaient, et les Anges Gardiens revenaient toujours bredouilles de leurs descentes dans les quartiers chauds de la ville.

Finalement, au bout de cinq interminables journées d’angoisse, les héros purent, après force menaces, promesses et autres intimidations, arracher une adresse à l’un de leurs contacts. Au mépris de toute prudence, ils se précipitèrent à l’endroit indiqué. C’était bien la planque du Condottiere, et à l’issue d’un combat acharné, ils purent le remettre aux autorités. Toutefois, il était trop tard pour sauver Medusalith. Les tortures terribles que son bourreau lui avait infligées ces derniers jours l’avaient privée de toute raison, et son pauvre corps complètement brisé avait atteint la limite de sa résistance. Le cœur broyé de colère et de chagrin, les Anges Gardiens ne purent qu’assister, impuissants, aux derniers instants de leur amie.

Olivia ne fut autorisée à voir le corps de sa mère que lors des funérailles, quelques jours plus tard. Madeline avait été coiffée et maquillée avec soin, et seul le haut de son corps était visible dans le cercueil. Malgré ces précautions, la vision de ce visage contusionné aux orbites vides, de ces traits tirés par la souffrance, atteint l’adolescente à travers le brouillard de confusion dans lequel elle se mouvait depuis l’annonce de la terrible nouvelle, et la percuta de plein fouet. Un voile rouge s’abattit sur son esprit, et seul son refus de détourner le regard du corps ravagé de sa mère l’empêcha de perdre connaissance.

De la cérémonie en elle-même, elle ne garda que quelques impressions floues. La main de son père crispée à lui faire mal sur la sienne alors que l’officiant récitait son sermon. Le visage de tous les Anges Gardiens présents autour d’elle, froid et dur comme un masque de granit. Le soleil radieux et les chants joyeux des petits oiseaux dans le cimetière, véritables insultes à son chagrin. Le vertige immense qui s’empara d’elle lorsque la première pelletée de terre recouvrit le cercueil. La prise de conscience que ce n’était pas un affreux cauchemar, et qu’à son réveil elle ne pourrait pas aller se réfugier dans les bras aimants de Madeline. L’envie de hurler sa rage, sa haine et son désespoir à l’idée que le monstre inhumain qui avait osé la priver de la personne la plus chère à son cœur finirait tranquillement ses jours en prison alors que sa mère, si bonne, si douce, reposait à présent six pieds sous terre.

Assister à la veillée se révéla une épreuve tout aussi douloureuse que l’enterrement en lui-même. Olivia écouta docilement les paroles d’encouragement des amis et collègues de sa mère, acquiesçant comme ils l’exhortaient au courage, les uns après les autres. Intérieurement, elle était au bord de l’explosion. Faire preuve de courage, être forte… qu’ils aillent au diable, tous autant qu’ils étaient ! Qui étaient tous ces gens pour venir lui parler de ce qu’elle devait faire ! Comme s’ils savaient ce qu’elle ressentait ! Comment pouvaient-ils prétendre comprendre sa peine et l’enjoindre de se montrer brave alors que sa seule envie était de se rouler en boule dans un coin sombre et pleurer jusqu’à sombrer dans le néant… Seulement voilà, les larmes comme le sommeil la fuyaient obstinément, elle était seule, et la colère était sa seule compagne. C’était d’ailleurs une comparse fidèle, elle ne l’avait pas abandonnée depuis cette annonce qui avait brisé sa vie. Elle était toujours là, Olivia pouvait entendre ses doux chuchotements au fond de son esprit, qui l’enjoignaient à
(tout casser)
sortir, à s’éloigner le plus possible de cette maison, de ce père qui ne la remarquait même plus, à
(faire un carnage)
faire n’importe quoi pour se changer les idées, pour ne plus penser à ce monstre et à ce qu’il méritait…
(la mort, une mort lente et douloureuse, comme celle qu’il a infligée à ta mère… qu’il souffre, qu’il ait mal, qu’il pleure et qu’il hurle sa douleur et sa terreur)

Enfin, les invités prirent congé. Seuls restaient les Anges Gardiens, le visage plus fermé que jamais. De leur discussion dans le bureau paternel, Olivia ne perçut que des bribes, mais suffisantes pour la faire se précipiter aux toilettes et vomir en longs hoquets déchirants. La Famille avait dépêché une escouade de ses meilleurs avocats pour la défense du Condottiere, et ils étaient arrivés à produire un rapport d’expertise psychologique déclarant l’homme mentalement irresponsable… Il allait s’en tirer ?! Cette bête immonde qui avait torturé à mort des dizaines de femmes, qui avait arraché les yeux de sa mère, déchiqueté son corps, qui s’était repaît jusqu’à plus soif de sa souffrance et sa terreur allait tranquillement finir ses jours dans un hôpital psychiatrique !

A cette idée, la fragile adolescente perdue et désespérée s’effaça pour laisser la place à une créature toute de haine et de fureur. Le voile rouge, presque familier à présent, obscurcit à nouveau sa vision, balayant toute pensée rationnelle sur son passage, tandis que la petite voix douce de sa colère se changeait en un hurlement strident qui résonnait à présent dans son esprit, réclamant l’apaisement
(vengeance, violence, mort, vengeance, violence, mort, vengeance, mort, mort, mort, mort…)
par n’importe quel moyen.
Sans même prendre le temps de quitter sa tenue de deuil, elle quitta la maison précipitamment et s’engouffra dans la bouche de métro la plus proche. Elle ne savait pas où aller, elle ne savait pas ce qu’elle devait faire
(se battre, encore et toujours se battre, le tuer, les tuer tous)
elle voulait seulement s’éloigner de chez elle, fuir le deuil, fuir la douleur, se cacher et oublier.

Sans s’en rendre compte, elle émergea à Independance Port, le repaire de la Famille et de leurs chiens de garde, les guerriers Tsoo. Un ciel d’un gris sombre chargé de nuages menaçants surplombait ce quartier industriel, exacerbant par sa lumière crue et sale l’aspect sordide de l’endroit. Tout à son tumulte intérieur, elle parcourait les docks
(clac-clac le bruit des talons sur le sol, le bruit attire les chiens qu’ils viennent on les attend)
aveugle au monde extérieur. Un éclair aveuglant traversa le ciel, un coup de tonnerre retentit, assourdissant, et le ciel s’ouvrit pour déverser des trombes d’eau sur cette partie de la ville. Au bout d’un moment, faisant écho au tambourinement de la pluie contre la taule des hangars, le bruit de nombreux pas se fit entendre tout autour d’elle.

Brusquement, quatre guerriers Tsoo au masque ricanant et armés jusqu’aux dents se matérialisèrent sans un bruit, la tirant de son état de transe. Leurs intentions étaient aussi transparentes que la lame de leurs sabres dégainés. En silence, ils se rapprochèrent d’elle, espérant sans doute l’acculer contre un mur. La haine affermit son emprise sur le cœur d’Olivia
(ce sont eux, les monstres, ce sont eux qui ont tué ta mère, venge la, venge toi, fais leur mal, tue les, tue les, tue les !)
Une sensation inconnue se propagea en elle. Sa colère, tel un monstre sorti de sa cage, se libéra brusquement pour
(les submerger tous, les submerger et les détruire pour venger ces innocents dont ils ont saccagé la vie)
prendre le dessus et faire disparaître les derniers lambeaux de raison qui s’accrochaient encore à son esprit.
Poussant un hurlement sauvage, elle se jeta sur son premier assaillant, armant son poing pour le lui asséner sur la mâchoire.

Elle était forte, comme son père, elle l’avait toujours pressenti. Cette impression diffuse se changea en certitude lorsqu’elle sentit les os de son adversaire se briser sous la violence de l’impact. Le malfrat fut projeté sur quelques mètres et alla s’écraser, inconscient, contre une pile de containers. Stupéfaite et quelque peu choquée, l’adolescente regarda alternativement ses poings serrés, puis l’homme étendu sur le sol détrempé tel un pantin désarticulé, et se laissa rapidement gagner par la fièvre de la victoire.

Elle n’eut cependant pas le temps de savourer cette enivrante sensation. Déjà, les trois Tsoo restants fondaient sur elle, lames au clair. Elle se ramassa sur elle-même, les bras levés au niveau du visage, comme on le lui avait appris, et parvint à esquiver la première attaque. Mais les leçons d’auto-défense de son ami Tom ne l’avaient pas préparée à affronter des agresseurs aussi nombreux ni aussi rapides. Un second coup de katana la cueillit au niveau de la poitrine, lacérant sa fine chemise. Un troisième l’atteignit à la jambe, lui faisant ployer le genou. Elle ferma brièvement les yeux, anticipant l’inéluctable : une mort plus ou moins rapide, après une explosion de douleur… qui n’eut jamais lieu. Clignant des yeux, elle se redressa brusquement, les mains sur ses blessures . Elle ne souffrait pas, elle n’avait rien, elle ne saignait même pas !

L’adrénaline, ajoutée à la sensation d’être invincible, lui firent perdre le peu de maîtrise d’elle-même qu’elle avait encore. Elle hurla des imprécations à ses assaillants, qui s’étaient prudemment écartés d’elle lorsqu’ils avaient compris qu’ils avaient à faire à une « super », et leva son poing serré vers le ciel en un geste de provocation.

Comme si le ciel avait décidé de la châtier pour son arrogance, un éclair aveuglant embrasa brusquement l’atmosphère et vint s’abattre sur son bras, la parcourant de part en part, tandis qu’un coup de tonnerre tonitruant résonnait au dessus de sa tête. La boule d’électricité la souleva de terre et la maintint en suspension dans l’air pendant quelques secondes, faisant fondre le sol à ses pieds. Un épais nuage de fumée noire et nauséabonde s’éleva rapidement du point d’impact, bloquant la vue des trois guerriers Tsoo restants.

Ceux-ci lâchèrent un rire nerveux, n’osant croire à leur chance, et se rapprochèrent. Leurs boss de la Famille les récompenseraient généreusement s’ils leur rapportaient la tête d’un autre encapé. Aussi ils patientèrent un instant que la fumée s’éclaircisse un peu, pariant entre eux sur l’état du cadavre lorsqu’ils le trouveraient, puis avancèrent gaillardement. Trop occupés qu’ils étaient à calculer combien d’argent cette prise inattendue allait leur rapporter, ils ne sentirent pas la subtile altération de l’air autour d’eux, n’entendirent pas le léger cliquetis à quelques pas de là. Ils n’eurent même pas le temps de maudire leur inattention lorsque la frêle silhouette nimbée d’une éclatante aura nacrée et le poing serré autour d’une masse cloutée énorme fondit sur eux. En quelques coups magistraux, la jeune fille les balaya comme de simples fétus de paille.

La colère d’Olivia retomba soudainement, la vidant de toutes ses forces. Elle se laissa lourdement glisser jusqu’au sol, épuisée et choquée. Son esprit malmené avait du mal à accepter tous les évènements de la journée… d’abord l’enterrement, puis la veillée, l’atroce nouvelle, et voilà qu’au lieu de pleurer dans sa chambre comme une fille de son âge, elle se retrouvait ici, électrocutée, ses vêtements en lambeaux, au milieu de quatre hommes inconscients qu’elle avait elle-même salement amochés. Le ridicule de la situation l’aurait sans doute amusée si elle ne s’était pas sentie si sale… si misérable. La petite voix mielleuse qu’elle commençait à connaître se remit à susurrer à son oreille
(tu as bien fait, c’étaient des assassins et des monstres, ils auraient mérité de mourir…)
Horrifiée par le tour que prenaient ses pensées, parce qu’elle aurait pu faire si elle avait écouté cette partie d’elle jusqu’au bout, elle secoua violemment la tête pour faire le vide dans son esprit, se jurant de ne plus jamais lui prêter attention. Elle se recroquevilla sur elle-même, posa la tête sur ses genoux, et ferma les yeux, la main droite toujours serrée sur la poignée de son arme.

Son premier réflexe fut d’appeler sa mère et de se réfugier dans ses bras. Sauf que sa mère ne rirait plus jamais de ses bêtises, plus jamais non plus ne l’envelopperait dans une de ses étreintes rassurantes pour la réconforter… Plus jamais encore n’effleurerait son esprit de ses douces pensées… Le chagrin, ajouté à sa propre confusion, l’écrasa brutalement. Elle se sentait comme une naufragée en pleine mer luttant pour garder la tête hors de l’eau. Mais les vagues qui menaçaient de la submerger étaient toujours plus hautes, toujours plus violentes, et elle lâchait prise. La seule chose à laquelle elle se raccrochait désespérément, la seule présence rassurante dans ce chaos, c’était cette arme qui s’était matérialisée dans son poing serré lorsque la foudre l’avait frappée… elle percevait son poids sur ses genoux, la douce pulsation émanant des runes gravées sur toute la longueur du manche, et cela la rassérénait.

C’est dans cette position que Charles Grant la trouva, une éternité plus tard. Il l’avait cherchée pendant des heures, depuis qu’il était sorti de son bureau et ne l’avait pas trouvée dans sa chambre. Malade d’inquiétude, il avait parcouru le métro dans tous les sens, interrogé tous ses indics, ratissé chaque rue de chaque quartier… pour finalement la trouver là, inerte, ses vêtements en lambeaux. Pendant un court instant, il crut qu’il l’avait perdue, elle aussi, qu’il était une fois encore arrivé trop tard, qu’elle était morte. Un cri d’angoisse lui échappa, et il se précipita vers elle pour la prendre à bras le corps. Un sentiment de soulagement intense l’enveloppa lorsqu’elle frémit légèrement entre ses bras, bientôt remplacé par une colère aussi violente qu’irrationnelle. Sans même s’en rendre compte, il se mit à la secouer violemment, hurlant des imprécations à n’en plus finir. Au bout d’un moment, elle ouvrit lentement les yeux et accrocha son regard. Il lut dans ces prunelles azur tant de désespoir que sa fureur retomba d’un coup… Il ne savait comment la soulager, alors il resta ainsi, les bras autour d’elle et le regard plongé dans le sien.

Un long moment s’écoula sans qu’elle réagisse, et il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas la secouer à nouveau. Finalement, deux grosses larmes perlèrent au coin de ses paupières, et glissèrent doucement le long de ses joues. D’autres suivirent le même chemin, et d’autres encore … Comme si une barrière cédait enfin en elle, les larmes inondèrent son visage, de violents sanglots secouèrent son corps frêle. Elle lâcha le manche de son arme qui se dématérialisa instantanément et s’accrocha désespérément à son père. Le grand Omniman oublia alors tout, ses obligations de super-héros, le danger qu’ils couraient à rester ainsi dans cette zone dangereuse… Il souleva sa fille dans ses bras et la tint serrée contre lui, lui murmurant des paroles de réconfort à l’oreille. Elle pleura longtemps, puis la fatigue l’emporta, et elle sombra dans un sommeil sans rêves. Tendrement, Charles Grant essuya les dernières larmes qui, mélangées à la poussière, maculaient ses joues, retira sa cape pour l’en recouvrir, et sans un regard en arrière prit son envol pour les ramener chez eux.



Quelques semaines plus tard…

Son père était déjà attablé devant un petit-déjeuner gargantuesque lorsque Olivia entra dans la cuisine. Elle déposa un baiser sur sa joue et s’installa en face de lui. Ils mangèrent un moment en silence, puis Charles Grant reposa sa cuillère, prit une gorgée de café et observa sa fille quelques instants.

- Alors, tu as réfléchi à ce dont on a parlé il y a quelques jours ? Rappelle-toi Chérie, c’est quelque chose de primordial pour nous.

Olivia releva la tête de son bol et sourit doucement à son père.

- Je sais papa, ne t’en fais pas. En fait, je n’ai pas eu à chercher, ça s’est imposé tout seul. Et ça me correspond bien.

- Dis-moi alors, qu’est-ce que c’est ?

La jeune fille se redressa et tendit le bras. L’énorme masse cloutée se matérialisa instantanément dans sa main. Elle referma les doigts sur le manche et le caressa du bout des doigts.

- On m’appellera Etoile du Matin.
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Omni

The cake is a lie

Messages: 5707

Inscrit le: 30 Juin 2003 14:04

Message 19 Juil 2006 4:51

Mwa j'adooooooore :w00t: :vert :vert :vert :vert :vert :vert
We are not in azeroth anymore !
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secrer

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Super Novae

Messages: 545

Inscrit le: 16 Jan 2006 17:03

Message 19 Juil 2006 11:29

Bourrine :shock: !!!

J'aime bien :-P
BZzzZzZzz !!!!
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Bertrand

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Chou

Messages: 1168

Inscrit le: 23 Juil 2003 5:25

Message 19 Juil 2006 19:18

/love :rouge
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Muricia

Message 24 Juil 2006 10:36

moi auzzi zen beaucoup ^^
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Nell

Kromeugnon !

Messages: 5693

Inscrit le: 04 Juil 2003 2:56

Localisation: Je t'en pose des questions moi ?

Message 25 Juil 2006 12:47

Prochain texte : l'invocation accidentelle de Lenore par Etoile, ça promet :mrgreen:
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